A l’origine de cette affaire, des faits qui paraissent aujourd’hui d’une extrême banalité.

Le salarié d’un cabinet de courtage en assurance, présente sa démission.

Durant le temps de son préavis, l’entreprise réalise un « contrôle interne ». Dans ce cadre l’employeur découvre que son salarié en partance a détourné « plus de trois cents fichiers informatiques ».

L’arrêt précise encore que ces fichiers détournés ont été captés au moyen de treize supports externes puis expédiés par le salarié en question « de son poste professionnel à destination de sa messagerie privée ».

Si les faits paraissent banals, la décision validée par la Cour de cassation dans cet arrêt du 22 Octobre 2014, pourrait étonner. Un salarié condamné pour le délit pénal d’abus de confiance, simplement pour avoir utilisé les outils informatiques de l’entreprise à titre personnel ? Il écope d’une condamnation à 10 000 euros d’amende.

Pour mémoire, l’abus de confiance est défini à l’article 314-1 du Code pénal comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».

Ce délit est puni des peines maximales de trois ans de prison et de 375 000 euros d’amende.

L’abus de confiance implique donc qu’un bien ait été remis volontairement à l’auteur de l’infraction dans un but précis, et que cet auteur détourne le bien, soit en en faisant un usage abusif, ce qui est reproché au salarié dans notre cas, soit en refusant de restituer le bien.

Cependant, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que cette décision s’inscrit dans un mouvement de jurisprudence assez constant depuis quinze ans.

Tout d’abord, avant 2000, le bien, objet visé dans le délit d’abus de confiance du Code pénal, devait nécessairement être un objet matériel.

Mais les juges ont vite considéré que ce bien de l’abus de confiance pouvait être immatériel, en l’occurrence une simple information. C’est un arrêt de principe rendu toujours par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 14 novembre 2000.

Puis, a été qualifié d’abus de confiance le détournement par un salarié d’un simple projet de l’entreprise ou encore, plus récemment, l’utilisation de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération (Cass. Crim, 19 juin 2013).

La Chambre criminelle, dans son arrêt du 22 octobre 2014, s’inscrit donc bien dans ce double courant jurisprudentiel.

En condamnant pour abus de confiance un salarié ayant détourné des fichiers informatiques appartenant à l’entreprise pour son usage personnel, elle vient ici confirmer un adage bien connu.

A l’ère où l’information est devenue le plus précieux des biens dans l’entreprise, l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » semble bien guider bon nombre de décisions judiciaires … au détriment du salarié.