Par une Délibération du 17 Mars 2011, la Cnil sanctionne Google de 100.000 euros de sanction pécuniaire (amende) pour son service Street View.

Que doit on penser d’une telle décision ?

Il ne nous appartient pas de juger des faits rapportés et sanctionnés par la Cnil. Cela concerne essentiellement le service Google Street View. C’est un service (pour l’instant) gratuit qui permet virtuellement de naviguer dans les rues des grandes villes du monde entier. Pour aboutir à ce résultat, Google a lancé dans nos rues, des voitures spéciales qui ont filmé la rue mais ont aussi aspiré tous les signaux alentours (des dizaines de milliers de points d’accès Wi-fi, 3G/GPS). La Cnil reproche à Google d’avoir aspiré des données à caractère personnel appartenant à des particuliers tels que des contenus de messages échangés ou des identifiants et mots de passe de comptes divers.

Juridiquement, la Cnil reproche à Google une collecte déloyale et illicite de données, c'est-à-dire sans autorisation des personnes concernées, et une atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles.

Ce qui nous intéresse est de voir comment la Loi et ses représentants s’heurtent à l’empire Google, et comment éventuellement, dans ce combat en apparence inégal sur le plan des moyens, l’intérêt commun représenté par la Loi peut gagner ou perdre.

- Tout d’abord, la Cnil condamne Google à 100.000 euros de sanctions pécuniaires. La somme doit être rapprochée des près de 24 milliards de dollars us de chiffres d’affaires et plus de 6,5 milliards de dollars us de bénéfices réalisés par la firme, selon ses derniers chiffres publiés. Elle ne devrait donc pas avoir trop de mal à faire face à la sanction …

En fait, la Cnil n’est pas en cause.

La loi a conféré à la Cnil un pouvoir de sanction maximum de 150.000 euros. L’autorité de protection des données a donc pratiquement atteint ses limites.

Quand on voit les enjeux en cause, le législateur devrait s’interroger sur la pertinence de limiter une sanction dans l’absolu. Limiter de cette façon la sanction, n’est ce pas en neutraliser tous les effets ?

Une fois admis le principe d’un pouvoir de sanction conféré à la Cnil, pourquoi le limiter à de tels montants ?

Une sanction financière fonction du chiffre d’affaires réalisé au titre du service en cause, et sans plafond, serait bien plus dissuasive.

- La Cnil ordonne la publication de la décision sur le site de la Cnil et celui de Legifrance.

La décision comporte une seconde sanction, celle de la publication sur les sites de la Cnil et de Legifrance.

Là est vraisemblablement la véritable sanction : celle du buzz Internet, de l’image, de la réputation, qui dépasse très largement la sanction pécuniaire prononcée.

La Cnil, qui avait probablement conscience de ses pouvoirs limités en matière de sanction financière, a eu raison de recourir à une mesure de publication.

- Enfin, c’est la Société de droit américain Google Inc. qui fait face à la condamnation et pas sa filiale française.

Selon la décision, Google aurait, au moins partiellement, contesté être soumis à la Loi française.

Du point de vue de la technique juridique, Google Inc. a peut être raison d’en appeler à la loi américaine mais du point de vue du public, l’objection ne tient pas.

Le service est destiné au marché français.

Il est donc contradictoire de prendre un marché pour y faire des affaires, tout en refusant d’y appliquer les règles démocratiques que ce marché s’est donné.

Google va probablement engager un recours devant le Conseil d’Etat contre la sanction.

Le Conseil d’Etat confirmera ou infirmera la première décision.

Mais si la défaite de Google est confirmée.

Alors, la Société fondée il y a 13 ans par par Larry Page et Sergey Brin ne pourra jamais plus être regardée comme avant.

Au-delà du plus puissant des moteurs de recherche de l’Internet, ce sont tous les mastodontes des Tic, FaceBook en tête, qui sauront alors que par leurs pratiques, ils courent le risque de la Loi.

Aucune autorité de protection des données au monde n’avait osé s’attaquer de front à Google, alors que certains de ses services sont controversés depuis plusieurs années.

La Cnil l’a fait, le Conseil d’Etat dira si elle a eu raison ou tort sur le fond mais, déjà, par les questions que pose cette décision, c’est une bonne nouvelle pour le citoyen.